Étiquette : Langage

  • VocUM 2024 : Langage et (dés)information

    Date limite pour soumettre une proposition :
    31 juillet 2024

    Avis d’acceptation des propositions :
    septembre 2024

    Colloque (en présentiel à l’Université de Montréal) : 14 et 15 novembre 2024

    https://vocum.ca

    Qu’est-ce que [Voc]UM ?

    VocUM, né d’une initiative d’étudiant·e·s de l’Université de Montréal, est l’unique colloque interdisciplinaire et international sur le langage à Montréal. Sa mission est de réunir les jeunes chercheur·euse·s en leur offrant un espace leur permettant de diffuser les résultats de leurs recherches. Il leur est ainsi possible d’une part de développer leurs aptitudes à la communication orale en participant au colloque étudiant annuel, et d’autre part de parfaire leurs capacités de rédaction en publiant des articles dans la revue ScriptUM. Pour ce faire, le langage a été ciblé comme point de convergence pour faciliter le dialogue entre des disciplines autrement isolées les unes des autres.

    Le Colloque, fondé en 2014, en est désormais à sa onzième édition. En plus des conférences présentées par de jeunes chercheur·euse·s et deux plénières, le programme comprendra une séance de présentations par affiches.

    Thème du Colloque

    Le terme ‘information’, du latin formare signifiant « mettre en forme », implique dans son essence le processus de façonner une idée, une représentation, ou bien un concept. Dans l’Antiquité tardive, ce mot acquiert une connotation sociale et interpersonnelle, évoquant le processus de transmission de connaissances ou de vérités, ou même l’acte d’instruire et d’éduquer. Or de la transmission neuronale aux ondes électromagnétiques en passant par les discours politiques et religieux, l’information est partout et change de forme selon les domaines. La 11e édition du colloque VocUM est l’occasion d’interroger les différents visages que l’information et la désinformation prennent, de leur transmission à leur réception et à toutes les étapes intermédiaires. Les médias (nouvelles quotidiennes, bulletins météo) ont développé leur propre langage, et sont le terrain de divers phénomènes de désinformation. Que ce soit les lanceurs d’alertes, le climatoscepticisme, et la diffamation à l’encontre de certaines personnes ou communautés, ces manifestations induisent une érosion de la confiance du public envers les institutions et se traduisent par une nécessité de vérifier les informations qui circulent.

    Alors que le terme ‘information’ remonte à une époque très ancienne, son antonyme s’avère bien plus récent. En effet, le mot ‘désinformation’ a vraisemblablement été emprunté au russe дезинформация (dezinformatsiya) dans le contexte de la Guerre froide pour définir la propagation de fausses nouvelles dans le but d’induire en erreur l’opinion publique. Popularisé dans le domaine anglophone dans les années 1980 et initialement liée aux stratégies de manipulation politique, la désinformation a ensuite été étendue pour inclure toute communication gouvernementale (propagande) contenant intentionnellement des informations fausses et trompeuses. Ainsi, la ‘désinformation’ souligne la propagation délibérée de mensonges et de tromperies dans le but de manipuler les perceptions et les opinions. Notons à cet égard que l’anglais distingue pour sa part la ‘misinformation’’ simplement erronée, de la ‘disinformation’ intentionnellement fallacieuse.

    En cela, les réflexions liées à l’information et à la désinformation touchent un grand nombre de domaines de recherche : en littérature et en traductologie, le genre littéraire (autobiographie, essai, poésie) et le contexte de réception influent sur notre compréhension de l’information. De nombreux écrivain·e·s jouent d’ailleurs à brouiller la frontière entre le réel et la fiction, que l’on pense à l’autofiction – qui joue entre autobiographie et genre romanesque – ou aux écritures d’inspiration documentaire.  Le choix des stratégies de traduction va, par exemple, dépendre de la nature du texte, du public visé, et de la situation historique, culturelle (enjeux des transferts culturels) ou politique (récits nationaux et identitaires) de production et de réception. 

    Un cadre important de propagation de l’information est le milieu académique, où l’intégrité scientifique est au cœur de nombreux enjeux (libre accès, plagiat, usage d’intelligence artificielle, pseudoscientifiques). Les questions de censures intellectuelles (interdiction de livres, inégalité de la répartition des fonds) et de restrictions d’accès à l’éducation (inégalités de genre, de classe) forment également des obstacles au droit à l’information.

    L’intersection du langage et de la (dés)information évoque aussi la question des idées reçues sur les langues et leurs usages. Qu’il s’agisse des perceptions linguistiques, du rapport souvent méconnu entre une langue standard donnée et les diverses formes vernaculaires qui en existent, ou encore de l’impact de cet ensemble de représentations linguistiques sur l’enseignement d’une langue sur son apprentissage : la relation complexe qu’un locutorat entretient avec la réalité de ses pratiques langagières soulèvent d’autres questions relevant de la (dés)information.

    En matière d’accessibilité, l’ère du numérique soulève pour sa part plusieurs enjeux, tout en ouvrant par le fait même de nouveaux horizons. Pensons par exemple aux corpus et archives en tout genre qui sont de plus en plus digitalisés – au coût cependant de l’accès direct à l’information dans sa matérialité. Outre l’aspect juridique de l’accès à l’information, mentionnons entre autres la tendance croissante dans certains pays comme la Suède et l’Allemagne à se prémunir d’une législation obligeant le recours à un langage clair et accessible pour s’adresser au public, afin que les discours politiques officiels ou encore les plaques muséales informatives puissent être compris·e·s par toustes.

    Mais alors que le terme ‘intelligence artificielle’ (IA) est sur toutes les lèvres, les derniers avancements technologiques en la matière apportent leur lot de défis. Les changements fulgurants des progrès en IA générative au cours des dernières années ne cessent de brasser les cartes : vue comme une source d’information par les un·e·s et décriée comme un outil de désinformation par les autres, la question de l’IA ne pouvait être laissée sous silence dans la perspective du thème de cette année.

    Qui est admissible ?

    Les propositions pour VocUM 2024 – Langage et (dés)information pourront entre autres s’inscrire dans les disciplines suivantes :

    Acquisition du langageJournalisme
    Aménagement linguistiqueLinguistique
    Analyse du discours Littérature
    AnthropologieMusicologie
    Communication Neurosciences 
    Didactique des languesOrthophonie
    DroitPhilosophie du langage
    EthnologieSanté publique
    Études classiquesSciences politiques
    EthnolinguistiqueSociolinguistique
    HistoireSociologie
    Histoire de l’artTraduction et traductologie
    Informatique et intelligence artificielleTraitement automatique des langues

    Afin de rejoindre une grande variété de présentateur·trice·s, le colloque VocUM 2024 comportera des séances de communications, d’une durée de 15 à 20 minutes suivies d’une période de questions, ainsi qu’une plage horaire exclusive consacrée aux présentations par affiches. Les étudiant·e·s de tous les cycles sont invité·e·s à soumettre leur projet, en précisant si leur soumission doit être considérée pour une communication ou une affiche (à la discrétion du comité évaluateur), ou seulement pour une affiche.

    Merci de nous faire parvenir vos propositions de communication au plus tard le dimanche 31 juillet 2024 par le biais dece formulaire. Elles doivent être composées d’un maximum de 300 mots et soumises à l’aide du formulaire électronique accessible sur le site Web de VocUM. Le comité scientifique accepte des propositions en français, anglais, espagnol, italien ou allemand. Cependant, la diffusion du savoir en français est fortement encouragée.

    Dates à retenir

    Date limite pour soumettre une proposition : 31 juillet 2024

    Avis d’acceptation des propositions : septembre 2024

    Colloque (en présentiel à l’Université de Montréal) : 14 et 15 novembre 2024

    Pour plus d’informations : http://vocum.ca, info@vocum.ca

    Bibliographie

    Œuvres critiques

    Acke, Daniel. « Révisionnisme et négationnisme » dans Témoigner. Entre histoire et mémoire, vol. 122, 2016, p. 53−63.

    Aristote. Réfutations sophistiques, IVe siècle av. J.-C.

    Bernays, Edward. Propaganda, New York, Horace Liveright, 1928.

    Bourdieu, Pierre. « L’opinion publique n’existe pas » dans Les Temps modernes, n°318, janvier 1973, p. 1292−1309.

    Chomsky, Noam et Robert W. McChesney. Propagande, médias et démocratie [trad. Liria Arcal et Louis de Bellefeuille], Montréal, Écosociété, 2005.

    Colon, David. Propagande. La manipulation de masse dans le monde contemporain, Paris, Flammarion, 2021.

    Decout, Maxime. Pouvoirs de l’imposture, Paris, Minuit, 2018.

    ————. En toute mauvaise foi. Sur un paradoxe littéraire, Paris, Minuit, 2015.

    Halimi, Serge. Les nouveaux chiens de garde, Paris, Liber-Raisons d’agir, 1997.

    Jacquard, Roland. La Guerre du mensonge : histoire secrète de la désinformation, Paris, Plon, 1986

    McWhorther, John. What Language Is: And What It Isn’t and What It Could Be, New York, Gotham Books, 2011. 

    Melançon, Benoît. Le niveau baisse! et autres idées reçues sur la langue, Montréal, Del Busso, 2015.

    Lejeune, Philippe. Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975.

    Pratte, André. Les oiseaux de malheur : essai sur les médias d’aujourd’hui, Montréal, VLB éditeur, 2000.

    Ponsonby, Arthur. Falsehood in War-time, Containing an Assortment of Lies Circulated Throughout the Nations During the Great War, London, Garland publishing company, 1928.

    Quivy, Vincent. Incroyables mais faux! Histoires de complots de JFK au COVID-19, Paris, Seuil, 2020.

    Reboul, Anne. « Le paradoxe du mensonge dans la théorie des actes de langage » dans Cahiers de linguistique française, n°13, Université de Genève, Suisse, 1992, p. 125−147.

    Robert, Anne-Cécile. Dernières nouvelles du mensonge, Montréal, Lux Éditeur, 2021.

    Scholar, Richard et Alexis Tadié. Fiction and the Frontiers of Knowledge in Europe 1500−1800, Burlington/London, Aldershot publishing/Routledge,  2016 [2011].

    Schopenhauer, Arthur. Eristische Dialektik, die Kunst Recht zu behalten [L’art d’avoir toujours raison ou La dialectique éristique], 1864.

    Tadié, Alexis. « Fiction et vérité à l’époque moderne », Philosophiques, vol. 40, n°1, printemps 2013, p. 71−85.

    Shultz, Richard H. et Roy Godson. Dezinformatsia: Active Measures in Soviet Strategy, Washington, Pergamon-Brassey’s, 1984.

    Yaguello, Marina. Catalogue des idées reçues sur la langue, Paris, Seuil 1988.

    Œuvres artistiques

    Aristophane. Les nuées, Ve siècle av. J.-C.

    Atwood, Margaret. The Handmaid’s Tale, Toronto, McClelland & Stewart, 1985.

    Beigbeder, Frédéric. 99 Francs, Paris, Grasset & Fasquelle, 2000.

    Bello, Antoine. Les falsificateurs, Paris, Gallimard, 2007.

    Bernard, Olivier. Le Pharmachien [3 volumes], Montréal, Éditions les Malins, 2014.

    Carrère, Emmanuel. L’adversaire, Paris, P.O.L., 2000.

    Collodi, Carlo. Le avventure di Pinocchio. Storia di un burattino [Les Aventures de Pinocchio : histoire d’un pantin], Firenze, Paggi, 1883.

    Dick, Philip K. The Man in the High Castle, New York, G. P. Putnam’s Sons, 1962.

    Gravel, Élise. Alerte : culottes meurtrières! Fausses nouvelles, désinformation et théories du complot, Scholastic Canada, 2023.

    Lindon, Mathieu. Le procès de Jean-Marie Le Pen, Paris, P.O.L., 1998.

    Louatah, Sabri. 404, Paris, Flammarion, 2019.

    Modiano, Patrick. La Place de l’Étoile, Paris, Gallimard, 1968.

    Orwell, George. Nineteen Eighty-Four, London, Secker & Warburg, 1949.

    Platon. Euthydème, IVe siècle av. J.-C.

    Rossini, Gioachino. « La calunnia è un venticello [Air de la calomnie] », Il barbiere di Siviglia [Le Barbier de Séville]  livret de Cesare Sterbini, 1816.

    Volkoff, Vladimir. Le montage, Paris, Julliard, 1982.

  • Delphine de Germaine de Staël

    Lectures du CRP19 – Dixième édition

    21 septembre 2024
    Avec le soutien du CRP19

    Responsable : Adrien Peuple & Inji Hwang
    Url : http://www.crp19.org
    Adresse : Paris, Maison de la Recherche de l’université Paris 3 – Sorbonne nouvelle, 4 rue des Irlandais, 75005 Paris

    Date de tombée : 30 Avril 2024

    Résumé

    Depuis plusieurs années, les « Lectures du CRP19 (centre de recherche sur les poétiques du XIXe siècle) », organisées par les doctorantes et les doctorants du Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle, s’intéressent aux œuvres méconnues d’auteur·rice·s consacré.e.s. La dixième édition propose cette année de redécouvrir Delphine (1802) de Germaine de Staël.

    Argumentaire

    Depuis plusieurs années, les « Lectures du CRP19 », organisées par les doctorantes et les doctorants du Centre de Recherche sur les Poétiques du XIXe siècle, laboratoire rattaché à l’ED 120 de l’Université Sorbonne Nouvelle, s’intéressent aux œuvres méconnues d’auteur·rice·s consacré·e·s. La dixième édition propose cette année de redécouvrir Delphine (1802) de Germaine de Staël.

    Delphine (1802) occupe une place primordiale dans la carrière littéraire de Germaine de Staël. Après avoir rédigé des essais politiques et littéraires, Staël s’engage résolument dans le roman[1]. Cette transition traduit une volonté d’expérimenter ses théories sur la fiction, énoncées dans son Essai sur les fictions (1795) puis dans De la littérature (1800), qui promeuvent tous deux un roman moderne. « Après avoir prouvé que j’avais l’esprit sérieux, il faut, s’il se peut, tâcher de le faire oublier, et populariser sa réputation auprès des femmes[2] », écrit-elle à Carl Gustaf von Brinkman, le 27 avril 1800. À peine De la littérature vient-il d’être édité que Staël se met aussitôt à composer un roman. C’est dire que la rédaction de Delphine est engagée dans la continuité de son essai littéraire et que si Staël s’aventure dans la carrière soi-disant féminine du roman, elle cherche à le révolutionner. 

    La littérature, face aux désastres de la « Terreur » et de ses rouages démagogiques, ne peut être indifférente à la réalité sociale. D’après Lucia Omacini, la plupart des romans épistolaires produits entre 1790-1830 font fi de l’actualité révolutionnaire[3]. Or, la trame épistolaire du roman de Staël prend à bras le corps la réalité de la Révolution. À travers les questions éthiques, mises en lien avec le politique, que soulèvent le roman, Delphine est un véritable brûlot libéral qui fait sensation lors de sa publication. 

    Ce roman est un succès commercial, puisqu’aux dires du journaliste Pierre‑Louis Roederer les Parisiens délaissent les spectacles et les cérémonies religieuses pour dévorer ce chef‑d’œuvre[4], qui suscite cependant de nombreuses controverses. Beaucoup de détracteurs reprochent à Staël son geste subversif, celui de contrer les conciliations idéologiques en cours entre césarisme montant et réaction religieuse. Le Journal des débats fustige Delphine comme un roman « dangereux » qui non seulement « calomnie la religion catholique » mais en plus véhicule des « principes » « très anti-sociaux »[5]. Ce roman est controversé d’autant plus qu’il soulève les questions propres à la condition féminine.

    Depuis quelques années le roman Delphine connaît un regain d’intérêt. Lors du bicentenaire de la mort de Staël, Delphine a connu deux rééditions importantes, celles de Catriona Seth pour la Bibliothèque de la Pléiade et d’Aurélie Foglia pour la collection « Folio classique ». Les recherches récentes de Stéphanie Genand ont remis en valeur la notoriété de ce roman[6]. Ainsi cet intérêt justifie-t-il à ce titre de rouvrir le dossier Delphine.

    Pour mieux cerner les enjeux de Delphine et creuser de nouvelles perspectives, la journée d’étude pourrait privilégier les approches suivantes :

    Approche génétique et générique

    – Il serait intéressant de partir des brouillons et des ébauches du roman Delphine, publiés dans la précieuse édition de Lucia Omacini et de Simone Balayé chez Droz[7], pour évaluer les différences esthétiques et poétiques qui apparaissent entre l’esquisse romanesque et l’œuvre finale. 

    – L’approche génétique pourrait aussi se focaliser sur la préface et la postface de Staël qui encadrent le récit et orientent la lecture. 

    – Nous pourrions nous demander à quels genres littéraires le roman emprunte ses codes poétiques. Bien que le roman reprenne les poncifs du roman sentimental, en quoi les détourne-t-il ou les renouvelle-t-il ? 

    – Cette approche générique et génétique pourrait également s’intéresser aux intertextes du roman : par exemple en interrogeant le dialogue critique que Staël établit entre son roman et La Nouvelle Héloïse de Jean-Jacques Rousseau. On pourra plus généralement s’interroger sur le dialogue avec d’autres auteur.e.s (Goethe, Charrière…). 

    Approche poétique et esthétique

    – Alors que Les Liaisons dangereuses marquent un apogée du roman épistolaire en 1782, nous pourrions comparer les stratégies poétiques mises en place dans Delphine ainsi que dans d’autres romans épistolaires contemporains, à l’instar d’Aline et Valcour (1793) de Sade ou d’Aldomen (1794) et d’Oberman (1804) de Senancour. 

    – Si Isabelle Guillot s’est chargé d’analyser la fonction du portrait et des peintures au sein de la trame narrative de Delphine[8], nous pourrions ouvrir de nouvelles perspectives en nous intéressant à la place stratégique des dialogues, véritables scènes herméneutiques et heuristiques dans lesquelles les personnages sont poussés dans leur retranchement. On pourra aussi observer comment Staël module la forme romanesque. 

    – Le roman se situe dans la transition complexe du ‘moment 1800’. Nous pourrions nous demander en quoi le roman établit un bilan critique des Lumières, mais aussi quelle serait son identité « romantique ». 

    – Nous pourrions aussi interroger le rapport entre « Histoire » et « histoire » et mieux interroger l’écriture paradoxalement politique de cette œuvre. Quelle écriture de l’Histoire Staël définit-elle à travers la fiction ?

    – Une réflexion sur la notion du « tragique » serait tout autant la bienvenue du fait que le canevas de ce roman épistolaire repose sur le rapport impossible et retardé entre Léonce et Delphine. D’ailleurs Staël n’écrit-elle pas à Adèle Pastoret « [qu’] [elle] cherche des sujets de tragédie[9] » pour composer son roman ?

     Approche thématique

    – Nombreux sont les thèmes qui cristallisent les enjeux du roman comme la « mélancolie » ou « l’enthousiasme ». La notion de « pitié » aussi revient de manière constante et s’impose comme point cardinal de l’éthique staëlienne. Par ailleurs, la question de « l’opinion » est centrale. 

    – De même, la question religieuse est à creuser. Le roman déprécie le catholicisme à travers la dévotion fanatique de Matilde. En revanche, le protestantisme se présente sous de meilleurs auspices. Mais ce binarisme n’est-il pas à nuancer d’autant plus que Delphine ne professe aucun culte et se prononce en faveur du déisme ?

    – Stéphanie Genand a récemment publié un essai Sympathie de la nuit dans lequel elle explique le thème de la folie à travers trois nouvelles de jeunesse de Staël[10]. Qu’en est-il dans Delphine, où les « fureurs » et « délires » se multiplient ? 

    – Delphine contribue à nourrir par le biais de la fiction les pensées de Staël au sujet de la mélancolie et de l’exil. 

     Approche philosophique et sociologique

    – Alors que les études anglophones se sont focalisées sur la représentation du féminin dans le corpus staëlien, les études françaises ont privilégié de leurs côtés la représentation du masculin. A l’heure des gender studies, il serait intéressant à présent de réfléchir sur le rapport des sexes et de s’interroger sur la définition et la représentation du genre à travers l’écriture féminine et masculine des épistolaires. 

    – Dans sa préface à l’édition « Folio classique », Aurélie Foglia suggère que le travail romanesque s’apparente à une enquête « proto-sociologique[11] » à travers l’analyse de la condition féminine. Une perspective sociologique et ethnologique serait aussi envisageable quant à la représentation de l’aristocratie, aussi bien celle de la France que celle de l’Espagne.

     Approche linguistique

    – Alors qu’Éric Bordas a démontré une stylistique de la monodie dans le roman Corinne ou l’Italie[12], il semble que cette perspective manque dans la réception critique de Delphine, même si Frank Bellucci observe une « stylistique de la douleur[13] ».

    Modalités de soumission

    Les propositions de communication comprenant un résumé de 250 à 500 mots ainsi qu’une courte biobibliographie sont à envoyer à l’adresse suivante :

    • adrien.peuple@sorbonne-nouvelle.fr  
    • inji.hwang@sorbonne-nouvelle.fr

    avant le mardi 30 avril 2024

    Elles seront évaluées par le comité scientifique.

    Informations utiles

    • La journée d’étude se tiendra le samedi 21 septembre 2024 à la Maison de la Recherche, 4 rue des Irlandais.
    • La prise en charge des frais de transport n’est pour le moment pas assurée.

    Comité scientifique

    • Aurélie Foglia
    • Stéphanie Genand
    • Florence Lotterie
    • Jean-Marie Roulin

    Comité d’organisation

    • Inji Hwang
    • Adrien Peuple 

    Bibliographie

    Balaye, Simone, « Les gestes de la dissimulation dans Delphine », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, t. XXVI, mai 1974, p. 182-202 ;

    Balaye, Simone, « Delphine de Madame de Staël et la presse sous le Consulat », Romantisme, t. LI, 1987, p. 39-47 ;

    Balaye, Simone, « Destins d’hommes dans Delphine de Madame de Staël », in Voltaire, the Enlightenment and the Comic Mode. Essays in Honour of Jean Sareil. Ed. Maxine G. Cutler. New York / Bern / Frankfurt-am-Main / Paris, Verlag Peter Lang, 1990, p. 1-10 ;

    Balaye, Simone, « Destin de femmes dans Delphine », publié dans Madame de Staël : écrire, lutter, vivre, Genève Paris, Droz, 1994, p. 61-76 ;

    Balaye, Simone, « Delphine, roman des Lumières : pour une lecture politique », publié dans Madame de Staël : écrire, lutter, vivre, Genève Paris, Droz, 1994,pp. 185-198 ;

    Bellucci, Franck, « Les maux du corps et de l’âme dans Delphine », publié dans Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 75-86 ;

    Brousteau, Anne, « Delphine de Mme de Staël : une esthétique romanesque de la sympathie », publié dans Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 87-96 ;

    Castagnès Gilles, « ‟ Delphine ” de Mme de Staël, ou la quête du malheur », dans Revue d’Histoire littéraire de la France, n° 1, 2013, p. 71-86 ;

    Dubeau, Catherine, La Lettre et la mère. Roman familial et écriture de la passion chez Suzanne Necker et Germaine de Staël, Paris, Hermann, 2013 ;

    Garry-Boussel, Claire, Statut et fonction du personnage masculin chez Madame de Staël, Paris, Champion, 2002 ;

    Genand, Stéphanie, « ‘‘N’ai-je pas aussi mon délire ?’’ : troubles du masculin dans Delphine (1802) de Madame de Staël », dans Masculinités en révolution de Rousseau à Balzac, [sous la direction de Daniel Maira et Jean-Marie Roulin], Saint-Etienne, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2013, p. 217-226 ;

    Genand, Stéphanie, La Chambre noire. Germaine de Staël et la pensée du négatif, Genève, Droz, 2016 ;

    Genand, Stéphanie, « Delphine ou les malheurs de la vertu : une lecture paradoxale de Germaine de Staël », L’Atelier des idées. Pour Michel Delon, sous la direction de Jacques Berchtold et de Pierre Frantz, Paris, PUPS, 2017, p. 475-485 ;

    Genand, Stéphanie, Sympathie de la nuit, Paris, Flammarion, 2022 ;

    Genand, Stéphanie, « Féminités scandaleuses. Delphine de Germaine de Staël et Le Deuxième sexe de Simone de Beauvoir », Savoirs en lien [En ligne], 1 | 2022, publié le 15 décembre 2022 et consulté le 09 novembre 2023 ;

    Gengembre, Gérard, « Delphine, ou la Révolution française : un roman du divorce », publié dans Cahiers staëlien, n° 56, 2005, p. 105-112 ;

    Goldzink, Jean, « Delphine ou la Révolution française », Dictionnaire des œuvres littéraires de langue française, Paris, Bordas, t. II, 1994 ;

    Guillot, Isabelle, « Portraits et tableaux dans Delphine », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 97-103 ;

    Gutwirth, Madelyn, Madame de Staël, novelist : the Emergence of the Artist as a Woman, University of Illinois Press, 1978 ;

    Higonnet, Margaret, « Delphine d’une guerre civile à l’autre », Annales Benjamin Constant, n° 8-9, 1988, p. 211-224 ;

    Lotterie, Florence, « Une revanche de la ‶femme-auteur″ » ? Madame de Staël disciple de Rousseau », publié dans Romantisme, 2003, n° 122, pp. 19-31 ;

    Lotterie, Florence, « Madame de Staël. La littérature comme ‶philosophie sensible″ », publié dans Romantisme, 2004, n° 124, pp. 19-30 ;

    Lotterie, Florence, « Un aspect de la réception de Delphine : la figure polémique de la ‘femme philosophe’« , Cahiers staëliens, n° 57, 2006, p. 119-135 ;

    Lotterie, Florence, Le Genre des Lumières. Femme et philosophe au XVIIIe siècle, Paris, Garnier, 2013 ;

    Louichon, Brigitte, « Lieux et discours dans Delphine », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 53-63 ;

    Mauzi, Robert, L’idée du bonheur dans la littérature et la pensée française au XVIIIe, Genève, Slatkine, 1979, réed. Albin Michel, 1994 ;

    Omacini, Lucia, « Delphine et la tradition du roman épistolaire », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 15-24 ;

    Omacini, Lucia, « ‘Il n’y aura pas un mot de politique.’ Madame de Staël et la tradition du roman de femmes », dans La Tradition des romans de femmes XVIIIe-XIXe siècles, textes réunis et présentés par Catherine Mariette-Clot et Damien Zanone, Paris, Honoré Champion, 2012, pp. 241-251 ;

    Ozouf, Mona, Les Aveux du roman : le XIXe siècle entre Ancien Régime et Révolution [2001], Paris, Gallimard, Collection Tel, 2004 ;

    Poirier, Blandine, « Le roman rose face aux passions noires : Delphine de Germaine de Staël », dans Roman rose, roman noir [en ligne], sous la direction de Stéphane Lojkine, XXXIe colloque international de la SATOR (Société d’analyse de la topique romanesque) – Aix-en-Provence et Saumane, 23-25 mars 2017 ;

    Rivara Annie, « Contre-romanesque et hyper-romanesque dans les quatorze première lettres de Delphine », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 39-51 ;

    Seth, Catriona, « Introduction », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 9-13 ;

    Szabo, Anne, « Aspects et fonctions du temps dans Delphine », Le groupe de Coppet et la Révolution française, Lausanne, Annales Benjamin Constant, Paris, Jean Touzot, 1988 ;

    Szmurlo, Karyna, Germaine de Staël : Crossing the Borders, New Brunswick (NJ), Rutgers University Press, 1991 ;

    Vallois, Marie-Claire, Fictions féminines, Madame de Staël et les voix de la Sibylle, Stanford, Stanford University Press Press, 1987 ;

    Vanoflen, Laurence, « De Caliste à Delphine, et retour ? Victoire. Individu et société dans les romans d’Isabelle de Charrière et de Germaine de Staël », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 25-38 ;

    Zanone, Damien, « Romanesque et mélancolie : l’imminence du romantisme dans Delphine », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 66-73 ;

    Zanone, Damien, « Être femme dans Delphine de Germaine de Staël, ou le roman contre la maxime », publié dans Simples vies de femmes. Etudes réunies par Sylvie Thorel, Paris, Honoré Champion, 2017, pp. 109-114.

    Notes

    [1] Staël a d’abord exploré les territoires de la fiction par le biais de ses nouvelles de jeunesse.

    [2] CG IV-I, p. 230.

    [3] Lucia Omacini, « Delphine et la tradition du roman épistolaire », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 20.

    [4] Charlotte Julia Blennerhassett, Madame de Staël et son temps, trad. par Auguste Dietrich, Paris, Louis Westhausser, 1890, 3 vol. , t. II, p. 500.

    [5] Cité par Michel Winock, Madame de Staël, Paris, Fayard, 2010, p. 235.

    [6] Voir bibliographie ci-dessous.

    [7] Madame de Staël, Delphine, t. II : L’Avant-texte : contribution à une étude critique génétique, Genève, Droz, 1990.

    [8] Voir Isabelle Guillot, « Portraits et tableaux dans Delphine », Cahiers staëliens, n° 56, 2005, p. 97-103.

    [9] CG IV-I, p. 322.

    [10] Stéphanie Genand, Sympathie de la nuit, Paris, Flammarion, 2022.

    [11] Aurélie Foglia, « Préface », dans Delphine, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2017, p. 22.

    [12] Éric Bordas, « Les Discours de Corinne : Stylistique d’une monodie », publié dans L’Eclat et le silence : « Corinne ou l’Italie » de Madame de Staël [sous la direction de Simone Balayé], Paris : Honoré Champion, 1999, p. 161-205.

    [13] Franck Bellucci, « Les maux du corps et de l’âme dans Delphine », Cahiers staëliens, n° 57, 2005, p. 82 : « Mme de Staël met à l’œuvre une véritable poétique de la douleur. Une considération stylistique détaillée du roman prouverait l’ambition formelle de l’auteur qui cherche à rendre perceptible, presque palpable, la souffrance de ses héros […]. »

    Sources

    « Delphine de Germaine de Staël », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 12 février 2024, https://doi.org/10.58079/vsxv